L'islam, s'il est une religion qui invite le croyant à la science, est aussi un art de vivre. Une grande partie des traités qui nous sont parvenus des siècles passés concernent en effet un seul et même thème, celui du savoir-vivre et comment vivre harmonieusement en société. Ils énoncent les convenances (adab) à observer par chacun pour mieux vivre ensemble.
Le présent traité de Zarnûji appartient, sous ce rapport, au domaine de l'adab (des « convenances ») et porte sur ce que l'étudiant convient de faire avant d'entreprendre l'étude de l'islam, mais ses conseils peuvent se transposer, à vrai dire, pour toute science, même profane. Quiconque souhaite entreprendre des études, s'il applique ces conseils, en tirera un profit immédiat et s'évitera quelques déconvenues et pas mal de pertes de temps.
C'est aussi pourquoi ce texte a été loué à de fréquentes reprises au fil des siècles et des notices qui ont été consacrées à son auteur, comme « précieux (nafîs) et utile (mufid) », « de petite taille mais riche en enseignements ».
Parmi les points que Zarnûjî y aborde, on soulignera l'importance de l'intention. Apprendre implique en effet une volonté et une détermination de la part de l'étudiant qui vont entraîner son succès au même titre que le choix aussi bien du moment que de l'objet de l'étude et du maître. Une fois ces choix effectués, l'étudiant, s'il veut tirer profit de son étude, doit se garder de juger ses professeurs ou leur méthode comme de toute arrogance à leur égard. Sans quoi son étude en sera entravée, ralentie voire interrompue avant terme. Il devra se montrer humble et patient, mais aussi consciencieux et opiniâtre.
Apprendre ne doit pas être en effet non plus pour lui une activité annexe ou secondaire, mais l'impliquer véritablement. La persévérance sera ainsi un des éléments fondamentaux de sa réussite de même que l'assiduité. Il ne doit pas s'agir d'un passe-temps. De même l'étudiant ne doit pas vouloir non plus tout décider par lui-même mais savoir s'en remettre à Dieu. D'une façon générale, sa recherche doit être sincère et nourrie de scrupules. S'il parvient enfin au terme de son cursus, son travail ne cessera pas pour autant, car il devra également savoir comment tirer profit de son étude.
En résumé, l'enseignement qui constitue ce texte servira autant aux musulmans qui veulent étudier leur religion, qu'à tout étudiant qui doit entreprendre un cursus, même universitaire, quelle que soit la science étudiée.
On peut voir dans sa richesse et ses possibilités d'application pratique par chacun une des raisons qui ont fait que l'intérêt pour ce petit traité n'est pas non plus très récent en Occident ; il a ainsi été édité en Allemagne dès 1709 puis réédité à plusieurs reprises, mais également traduit en anglais en 1947. C'est cependant la première fois qu'il est présenté, traduit et annoté en langue française.
Il a fait, de plus, l'objet de deux commentaires : l'un du shaykh Ibrahim ibn Isma'il, terminé en 996 H (1587), qui est un commentaire rédigé à la demande du sultan Murâd Khan, qui voulait l'enseigner à son propre fils, et l'autre de 'Uthmân Al-Bâzârî intitulé : « Faire comprendre à ceux qui cherchent à comprendre » (tafhîm al-mutafahhim), un titre qui résume en quelques mots le propos du traité de Zarnûjî.